Concert Aïda du 21 mars
PROGRAMME
Ce concert vous entraîne dans les coulisses du trombone ! Ils seront trois à vous faire découvrir cet instrument tout en brillance : le virtuose Joël Vaïsse, ancien trombone solo de l'Orchestre du Capitole, Louise Ognois et David Locqueneux, ses dignes successeurs. Ce trio jouera notamment Tribones, un concerto pour trois trombones écrit par Thierry Caens, et donné en première mondiale ce soir à Toulouse !
JOHANNES BRAHMS
Ouverture tragique
Durée : 14 min
THIERRY CAENS
Tribones - Concerto pour trois trombones et orchestre
Création mondiale*
I - Prélude
II - Romance
III - Jota
IV - Final
Durée : 27 min
* Commande de l'Orchestre national du Capitole et de l'Orchestre de Floride, avec le soutien de Buffet-Crampon/Antoine Courtois.
NIKOLAÏ RIMSKI-KORSAKOV
La Grande Pâque russe
Durée : 14 min
DISTRIBUTION
Katharina WINCOR, direction
Joël VAISSE, David LOCQUENEUX, Louise OGNOIS, trombones
BIOGRAPHIES
Katharina Wincor
La chef d'orchestre Katharina Wincor, née en 1995 en Autriche, est une figure montante de la direction d'orchestre sur la scène internationale. Elle a collaboré comme assistante avec deux chefs de renom, Fabio Luisi aux côtés de l'Orchestre symphonique de Dallas, et Iván Fischer aux côtés de l'Orchestre du Festival de Budapest. Elle est également lauréate du Concours Mahler de Bamberg.
Katharina Wincor a été invitée à diriger la Philharmonie de Dresde, l'Orchestre symphonique allemand de Berlin, l'Orchestre symphonique de la WDR de Cologne, l'Orchestre d'État de Darmstadt, le Philharmonique NFM de Wrocław en Pologne et le Philharmonique de Graz en Autriche, ainsi que de nombreux ensembles en Amérique du Nord. En 2024, elle a été sollicitée dans le cadre du 150e anniversaire d'Arnold Schönberg pour diriger un orchestre de chambre composé de membres de l'Orchestre philharmonique de Vienne.
Passionnée par la musique vocale et lyrique, elle a travaillé avec le Choeur Arnold Schoenberg à Vienne, avant de diriger Candide de Bernstein au May Festival de l'Orchestre symphonique de Cincinnati et un opéra pour enfants dans le cadre du Festival de Salzbourg.
Parmi les temps forts de sa saison 2024-2025 figurent des premières collaborations avec, entre autres, l'Orchestre symphonique de la SWR, le Symphonique de Bamberg, l'Orchestre symphonique de Vienne, l'Orchestre de la RTVE Madrid et l'Orchestre national du Capitole de Toulouse. Katharina Wincor retrouvera aussi des formations dont elle est familière, telles que l'Orchestre Bruckner de Linz, le Klangforum de Vienne, l'Orchestre national de la Radio roumaine, l'Ensemble Reflektor et l'Orchestre symphonique des jeunes de Haute-Autriche. Ses concerts la mèneront sur quatre continents, du Brésil aux États-Unis, de l'Europe à la Thaïlande, en passant par le Japon et l'Australie.
Joël Vaïsse
Joël Vaïsse est trombone solo du Florida Orchestra depuis 2017, après avoir exercé le même poste à l'Orchestre national du Capitole (1990-1991). Il vit depuis 2013 aux États-Unis, menant une brillante carrière internationale.
Il commence l'étude du trombone à l'âge de 10 ans auprès de son père André Vaïsse au Conservatoire national de Marseille, puis obtient une bourse pour étudier à l'Université de Floride. Il entre ensuite au CNSMD de Paris, où il obtient en 1985 le Premier prix à l'unanimité.
Aux États-Unis, Joël Vaïsse se produit dans les comédies musicales de Broadway et également aux côtés de l’Orchestre du Metropolitan Opera et autres formations symphoniques américaines.
Entre 1997 et 1999, il est simultanément trombone solo à l'Orchestre de Paris et à l'Orchestre philharmonique de Radio France, fait unique à ce jour. Il a également été trombone solo à l'Orchestre national de France, l'Orchestre national de Lyon et donc, l'Orchestre du Capitole, avant de se produire comme soliste avec de nombreux orchestres. En musique de chambre, il est membre du quatuor de trombones Millière et du sextet IBY6.
Joël Vaïsse a donné la création française de la Symphonie pour trombone d'Ernest Bloch et il a interprété en première mondiale le Double concerto pour trompette et trombone de Siegfried Matthus aux côtés de Marc Bauer, Pinocchio’s Nose de Thierry Lancino ou encore Contrastes de Thierry Caens. Il a enregistré Tranquille en album solo et des oeuvres de Jean-Philippe Vanbeselaere en collaboration avec Stéphane Labeyrie, Francois Tuillier et Eric Aubier.
Pédagogue reconnu, il encadre le pupitre de cuivres de l'Orchestre des jeunes Cherubini, à l'invitation de Riccardo Muti.
Joël Vaïsse est un artiste Buffet Group USA et joue sur les trombones Antoine Courtois, création Florida.
David Locqueneux
David Locqueneux est, depuis 1996, trombone solo à l'Orchestre national du Capitole de Toulouse.
Après des études au Conservatoire de Valenciennes, il entre au Conservatoire national supérieur de Musique et de Danse de Paris. En 1996, il obtient un Premier prix de trombone à l’unanimité, ainsi que le Prix spécial Antoine Courtois.
Toujours en 1996, David Locqueneux remporte le Prix Pierre Salvi au Festival d'Automne des jeunes interprètes, dans le Val d'Oise, et rejoint l’Orchestre du Capitole.
Depuis 1998, il enseigne au Conservatoire de Toulouse en collaboration avec Daniel Lassalle. Grâce à cette rencontre, il découvre la sacqueboute, l'instrument précurseur ou l'« ancêtre » du trombone. C'est ainsi que David Locqueneux collabore à plusieurs reprises avec les ensembles de musique ancienne les Sacqueboutiers de Toulouse et Hespèrion XXI de Jordi Savall.
Louise Ognois
Louise Ognois est trombone solo à l'Orchestre national du Capitole depuis 2023.
Elle débute la pratique de son instrument dans sa région natale du Nord et entre au Conservatoire à rayonnement régional de Lille en 2009 puis au Pôle supérieur de musique de Lille en 2017, dans la classe de trombone de Christian Bogaert.
En 2018, Louise Ognois est admise à l’unanimité au Conservatoire national supérieur de Musique et de Danse (CNSMDP) de Paris, dans la classe de Fabrice Millischer et Jean Raffard.
Passionnée par la musique d’ensemble, Louise Ognois a fait partie de nombreuses formations, telles que le Hauts-de-France Brass Band, le groupe Laake, le Dodécabone, le Bacaro Quartet et a obtenu une licence de musique de chambre au CNSMDP avec son quintette de cuivres Isotope Brass.
Louise Ognois a joué avec de nombreux orchestres tels que l’Orchestre national de Metz, l’Opéra national de Paris, l’Orchestre national de Lille, l’Orchestre national de Bordeaux, l’Orchestre de Paris, etc. Elle rejoint en 2021 la Musique des Gardiens de la Paix puis l’Orchestre philharmonique de Marseille en 2022 au poste de trombone solo, avant d'intégrer l'Orchestre national du Capitole.
PRÉSENTATION DES ŒUVRES
Le trombone, phare et fanfare
Thibaut : « Et ça fait combien de temps que tu joues du trombone ? »
Jimmy : « T'sais, ici, c'est fanfare ou foot ! »
En fanfare, réalisation Emmanuel Courcol, 2024
En fanfare, le film aux plus de deux millions d'entrées en France, raconte l'histoire d'un chef d'orchestre vedette, Thibaut Desormeaux, qui part à la recherche de son frère pour recevoir une greffe de moelle osseuse... C'est donc aussi la trajectoire de ce frère donneur, Jimmy, tromboniste amateur dans une fanfare d'ouvriers du Nord. Et qui, un beau jour, délaisse Johnny et Aznavour pour Mahler. Il espère ainsi rejoindre les rangs d'un orchestre symphonique...
Si le trombone avait lui aussi une moelle, elle serait contenue dans cette comédie intensément dramatique. Par son essence, cet instrument de la famille des cuivres oscille entre héros des classes populaires et héros des fresques romantiques. En actionnant sa coulisse – qui modifie la longueur du tube, et donc la hauteur du son – c'est comme si on couvrait une large échelle sociale et une vaste gamme de sentiments.
À la Renaissance, le trombone s'appelle « saqueboute ». De l'ancien français « saquer » (« tirer ») et « bouter » (« pousser »). La musique des princes et des rois l'enrôle pour les fêtes ; les oeuvres religieuses pour figurer la gloire ou la colère de Dieu. En 1607, Monteverdi convoque cinq tromboni (le nom a changé) dans Orfeo, le premier opéra de l'histoire. C'est ensuite un long quasi-oubli. Les compositeurs baroques estiment que ce cuivre s'accorde difficilement avec les violes, et il faut attendre 1762 pour assister à sa renaissance, dans un autre opéra d'Orphée, celui de Gluck.
À l'instar des autres romantiques, Berlioz admire le trombone tel un phare dans l'orchestre. En 1844, il le décrit comme « le véritable chef de cette race d’instruments à vent que j’ai qualifiés d’épiques ». Capable aussi bien de « chanter un choeur de prêtres, menacer, gémir sourdement, murmurer un glas funèbre, entonner un hymne de gloire, éclater en horribles cris ou sonner sa redoutable fanfare pour le réveil des morts ou la mort des vivants. »
JOHANNES BRAHMS (1833-1897)
Ouverture tragique, op. 81 (1880)
Brahms n'oubliait jamais ses trombones quand il allait à l'université ! En 1880, à l'âge de quarante-sept ans, le compositeur place ces cuivres sous le feu des lustres quand il reçoit le titre de docteur honoris causa, à Breislau, ville de Prusse (aujourd'hui Wroclaw, en Pologne). Pour remercier les professeurs et les officiels de cette distinction, il écrit une Ouverture pour une fête académique et une Ouverture tragique. « L'une rit, l'autre pleure », dit-il.
Son écrin à larmes est une véritable tragédie de théâtre, inspirée du Coriolan de Beethoven. Style puissamment héroïque, aspiration à la grandeur, confrontation d'un personnage (ici inconnu) à son destin... Deux accords, deux éclairs. Tel Beethoven, Brahms frappe un marteau colossal sur l'enclume pour débuter son Ouverture tragique. Puis s'élance une course au souffle court, perdue d'avance.
Dans ce drame, Brahms confie aux trois trombones un passage solennel et apaisant. Comme il l'avait déjà fait dans sa Première symphonie (1876), en leur écrivant un « choral », la prière chantée dans les temples protestants. Mais, dans la symphonie, ces instruments avaient attendu plus de trente minutes pour s'exprimer, restant muets jusqu'à l'entame du quatrième et dernier mouvement ! Brahms aurait-il retenu les propos de Mendelssohn, selon qui « les trombones sont trop sacrés pour être joués trop fréquemment » ?
Contrairement à la Première symphonie, les trombones ne patientent pas bien longtemps pour exécuter leur choral dans l'Ouverture tragique. À peine deux minutes et ils se dressent, toujours aussi sereins, pour ce qui constitue une brève accalmie. On ne sait si c'est le héros qui parle, ou le destin, mais il y a dans ces timbres quelque chose de surnaturel. De retour en fin d'ouvrage, unis au tuba et aux cors, les trombones exacerbent le sentiment d'épopée. Grandeur de l'homme face à la tragédie.
THIERRY CAENS (1958-)
Tribones - Concerto pour trois trombones et orchestre (2024)
Il fallait un esprit passionnément gourmand pour inventer Tribones - Concerto pour trois trombones, commande de l'Orchestre national du Capitole. Une oeuvre écrite en 2024 et qui sera jouée en public ce soir pour la toute première fois... Ce compositeur de bel appétit n'est autre que Thierry Caens, trompettiste de renom, élève du légendaire Maurice André. Son chemin croise joyeusement la musique classique, le jazz (avec Martial Solal et autres), la chanson française (aux côtés de Jean Ferrat), les B.O. de films, se faisant même ambassadeur gastronomique de la ville de Dijon ! « J'aime beaucoup écrire pour le trombone qui a des caractéristiques très différentes de la trompette, explique Thierry Caens. Comme elle, il peut être très éclatant et clair, mais il est capable de bien plus de douceur, une couleur qui m'intéresse beaucoup... ». Certes, avec son système à coulisse, l'instrument ne peut égaler la virtuosité de la trompette, qui fonctionne à pistons. Dans ce concerto, c'est donc à l'orchestre que sont confiés les passages les plus rapides.
Du reste, pourquoi trois solistes au lieu d'un seul ? « Le trombone a cette capacité, en ensemble, de faire sonner de beaux accords et de remplir l'acoustique assez facilement, poursuit Thierry Caens. Un ensemble de trompettes, de mon point de vue, est peu intéressant car vite cantonné dans ses caractéristiques, voire ses travers... Alors qu'un ensemble de trombones possède une belle tessiture et permet donc de jouer sur un grand spectre ».
Le triple concerto comprend quatre mouvements. Le Prélude, empreint de solennité, surligne le caractère majestueux des trombones. La Romance offre quant à elle un moment de tendresse et d’introspection. Énergétique à souhait, Jota s'inspire des danses populaires espagnoles, rappelant l'amitié qui unit Toulouse avec le pays voisin. Triomphal, le Final concilie puissance et virtuosité. Ainsi naît et s'achève Tribones, pièce pour trois trombones, qui doit aussi son nom au fait que, glisse le compositeur, « les trois solistes sont très bons ! ».
NIKOLAÏ RIMSKI-KORSAKOV (1844-1908)
La Grande Pâque russe, op. 36 (1887-1888)
« Afin d'apprécier mon Ouverture un tant soit peu, il est nécessaire que l'auditeur ait assisté au moins une fois à une messe du matin de Pâques... ». Rimski-Korsakov, confrère, compatriote et contemporain de Tchaïkovski, s'est gorgé des plus somptueuses célébrations orthodoxes pour concevoir La Grande Pâque russe – Ouverture sur des thèmes liturgiques. Il en détaille l'atmosphère : une cathédrale, plusieurs prêtres, une foule de fidèles, le pain de l'eucharistie tout juste sorti du four, le scintillement des cierges...
Cette partition, composée entre 1888 et 1889, en même temps que son Sheherazade, retrace le mystère de la Résurrection. D'abord la prophétie d'Esaïe ; puis le tombeau du Christ s'illuminant peu à peu ; le retour à la vie ; la proclamation par les anges de cette Résurrection ; le triomphe, l'apothéose... Dans ce tableau religieux, chaque instrument remplit une fonction. Ainsi, les cloches et trompettes incarnent les messagers de Dieu. Quant aux trombones, ils représentent la voix d'un prêtre.
Dix ans plus tôt, en 1877, Rimski a composé un concerto pour trombone. L'oeuvre était destinée à une fanfare militaire. Dans sa Grande Pâque russe, l'instrument passe au service de la foi. Son premier chant est « Lève-toi, Seigneur », repris par les cordes, comme les croyants répondent au prêtre. Dans la partie centrale, les trombones et le tuba s'exclament (à trois reprises) : « Christ est ressuscité ! ».
En plus de citer les textes saints, Rimski-Korsakov tient à célébrer les « réjouissances païennes » de ce jour si grisant. Il est encore marqué par ce que lui a raconté un ami : l'histoire d'un « paysan à moitié ivre », qui se retrouve par hasard devant la cathédrale de Saint-Petersbourg un jour pascal, dans le tumulte des cloches. Saisi par la puissance et la mystique de l'instant, l'homme se recueille et finit par danser sur le parvis... Dans la Russie tsariste, la « Grande Pâque » reste assurément la plus grande fête : on y prie beaucoup, on y festoie tout autant.
Textes de Pierre Carrey
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