Entretien avec Thierry d'Argoubet

Thierry d’Argoubet, vous avez exercé durant plus de 20 ans le rôle de Délégué général de l’ONCT, pourriez-vous nous présenter votre parcours à la tête de l’Orchestre ?

J’ai d’abord collaboré pendant plus de dix ans au sein d’une grande agence artistique, IMG Artists, en y nouant des partenariats  avec le Théâtre  Mariinsky, ou avec des figures telles que Valery Gergiev, Kurt Masur, Bernard Haitink, Sylvie Guillem, Yehudi Menhuin, que j’accompagnais dans la production de concerts, d’opéras et de ballets.  En parallèle, Michel Plasson m’a sollicité pour m’associer au développement de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse  : je suis né à Toulouse et j’ai toujours adoré cette ville et son territoire. J’ai été très heureux de pouvoir rejoindre ce chef et cet orchestre, qui avaient d’ores et déjà constitué une extraordinaire discographie consacrée à la musique française. Mon ambition pour l’ONCT a d’abord été de le re-dynamiser au sein du territoire toulousain, puis d’en accompagner le rayonnement, notamment par les premières collaborations avec Radio Classique, tout en prolongeant sa politique discographique avec le label EMI.

Et puis, le 20 octobre 2003, Tugan Sokhiev vient diriger l’orchestre alors que celui-ci avait lancé le processus  de la succession de Michel Plasson. Aujourd’hui encore, je reste saisi par le coup de foudre, l’évidence musicale qui s’est établie dès la première répétition, entre les musiciens et ce jeune musicien âgé à peine de vingt-cinq ans.
Avec Tugan Sokhiev nous avons alors entamé un compagnonnage de plus de dix-huit ans.

Votre rencontre avec Tugan Sokhiev a été déterminante dans le développement du projet artistique de l'Orchestre : quelle relation avez-vous nouée au fil des années ?

D’abord une relation d’une confiance réciproque extraordinaire. Tugan a accompli des miracles à Toulouse. Lorsqu’il est arrivé, l’Orchestre était loin des circuits internationaux. Le travail qu’il a réalisé avec l’Orchestre m’a donné une énergie folle. Pendant les premières années années, Tugan a d’abord travaillé très en profondeur pour développer le niveau de l’Orchestre, puis tout s’est enchaîné naturellement. Ces années ont été des années de bonheur, une grande complicité musicale nous a unit, il a profondément bouleversé ma vision de la musique.

Aïda vous a accompagné tout au long de votre parcours avec l’orchestre, comme l’association a-t-elle soutenue votre projet artistique ?

Aïda est née d’une rencontre entre Claude Goumy, grand industriel toulousain, et Michel Plasson afin de  soutenir le rayonnement de l’Orchestre, notamment dans les tournées. L’association a ensuite joué un rôle majeur au niveau des captations notamment avec Radio Classique qui a été rendue possible grâce à sa forte participation.

Mais ce rôle n’est pas seulement  financier. Avec Aïda, nous avons imaginé une véritable saison de musique symphonique et chambriste destinée aux adhérents. Ses effets ont été déterminants : par ce biais, l’Orchestre a bénéficié d’un public nouveau qui venait pour la première fois au concert. Ce lien avec les entreprises du territoire nous a permis de toucher un nouveau public, d’accompagner leur premier pas à la Halle aux Grains, et j’en demeure très fier.

Racontez-nous un (ou des) souvenir(s) marquants des grandes tournées soutenues par Aïda ? 

Je pense évidemment aux grands concerts à Berlin ainsi qu’aux concerts à Vienne, mais également à la première tournée Amérique du Sud, lorsque l’orchestre a joué au Teatro Colon de Buenos Aires, en Argentine. Nous avions emmené dans nos bagages  Medici.Tv qui retransmettait en direct le concert. Les toulousains étaient si fiers de la retransmission en direct de leur phalange. Et également les parents de Bertrand Chamayou !  Grâce à Aïda, l’Orchestre a fait  rayonner la Métropole toulousaine sur tous les continents.

Après de longues années au sein de l’ONCT, quel regard portez-vous sur le rôle du mécénat d’entreprises dans le financement de la Culture ?

Nous sommes encore très  loin  du modèle anglo-saxon même si désormais toutes les grands entreprises s’investissent dans le mécénat. Le mécénat d’entreprise est aujourd’hui essentiel dans le financement de la culture. Il doit permettre la réalisation de projets culturels ambitieux en complément du financement public des collectivités territoriales et de l’Etat.

 La crise du Covid a bouleversé la vie musicale, comment avez-vous appréhendé cette période inédite ?

Cette crise sanitaire a été très difficile pour toutes et tous, elle a dans un premier temps signifié l’arrêt brutal de la saison symphonique de l’Orchestre. Mais elle  aura été également un véritable révélateur qui nous aura obligé à explorer de nouvelles voies.  Un chiffre : dix-neuf captations, dix-neuf diffusions des concerts de notre saison.  Nous avons ainsi transformé cette épreuve en défi : grâce au talent incroyable des équipes techniques de la Halle aux Grains, à la bienveillance et la souplesse des musiciens,  l’engagement des équipes administratives de l’orchestre, nous avons réussi à faire de cette année si particulière une aventure, et je suis très fier – là encore ! - qu’elle ait soudé, rapproché les équipes autour d’un projet commun : continuer à faire vivre la musique, et garder le lien avec notre public, même dans des conditions si difficiles.

Un mot final pour les entreprises mécènes de l'Orchestre ? 

Les entreprises mécènes sont le présent et le futur économique de Toulouse. J’ai l’espérance qu’elles seront aussi l’avenir  de la culture pour Toulouse et particulièrement pour l’orchestre. Qu’elles auront la même fidélité à l’égard d’un acteur culturel majeur, qui permet à la culture toulousaine de rayonner sur tous les territoires.

J’ai tout simplement envie de les remercier de leur fidélité et de leur confiance.

Orchestre
03
Mars
2022