Interview - Gabriel Bourgoin


Nous avons eu le plaisir d'échanger avec Gabriel Bourgoin, chef de chœur de l’Opéra national du Capitole de Toulouse, dans le cadre du prochain concert Aïda qu'il dirigera le mercredi 13 décembre à la Halle aux grains. Présentation du programme, souvenirs marquants, conseils à destination des amateurs de chant, découvrez sans plus attendre cette discussion passionnante. 

Portrait Gabriel Bourgoin


Gabriel Bourgoin, vous êtes chef de chœur de l’Opéra national du Capitole de Toulouse, pouvez-vous nous présenter cette fonction ?

Ma fonction en tant que chef de chœur est une fonction à la fois musicale et managériale. En tant que chef d’équipe, j’ai la charge d’assurer la préparation des chœurs pour l’ensemble des ouvrages d’une saison (les ouvrages d’opéra, les ouvrages symphoniques) mais aussi pour toutes les invitations extérieures (festivals ou collaborations avec d’autres opéras). Cela nécessite une gestion des effectifs et des plannings puisque le chœur répète à temps plein, 5 jours par semaine et parfois 6, à raison de deux services par jour.

Au niveau musical, ma mission est d’assurer la meilleure qualité possible, de développer l’identité vocale et sonore du chœur, une sorte de signature du Chœur de l’Opéra national du Capitole. Il s’agit aussi d’assurer une grande souplesse sur l’ensemble des répertoires. Je souhaite trouver une couleur particulière sur chaque production, la couleur sur Les Pêcheurs de perles n’est pas la même que sur Boris Godounov. Ce travail de fond permet de développer la personnalité et l’identité musicale et vocale du chœur.
 

Depuis votre arrivée en septembre 2022, quels sont les projets musicaux qui vous ont le plus marqué ? Et quels sont ceux que vous attendez avec impatience ? 

Rusalka en 2022 a été une merveilleuse production, la mise en scène était absolument magnifique. En termes de souplesse des répertoires, le travail avec Jordi Savall sur l’Oratorio de Noël a été passionnant. Et pour le côté grandiose de l’œuvre, je dirais Mefistofele en juin dernier. Je me réjouis à l’avenir de rejoindre la production de Boris Godounov au Théâtre des Champs-Élysées. Je n’ai pas pu y prendre part à Toulouse car j’étais en congés paternité, j’ai donc hâte de rejoindre cette production à Paris. Je ne peux pas en dire plus pour le moment mais je suis également impatient de défendre certaines productions aux côtés du chœur la saison prochaine.


Le 13 décembre prochain, vous dirigerez le Chœur à l’occasion d’un concert Aïda, pouvez-vous nous présenter le programme de ce concert ?

Le programme du concert Aïda va être constitué d’œuvres que nous donnerons quelques jours auparavant pour le concert de Noël avec Hervé Niquet. Ce sera un concert avec des œuvres religieuses de l’Église de la Madeleine à Paris, des œuvres de variété française des années 50 / 60 et puis tout un tas de chants de Noël anglo-saxons qui comportent de très belles harmonies. C’est un concert qui permettra de mettre en valeur toute la souplesse du chœur dans divers répertoires.
 

Vous formez également de jeunes chanteurs à travers La Maîtrise du Capitole, comment travaillez-vous avec des enfants qui, pour certains, découvrent le chant choral ?

Je suis très heureux de diriger la Maîtrise du Capitole car c’est une Maîtrise populaire, c’est à dire qu’elle est ouverte à tous les enfants qui veulent apprendre à se produire sur scène, à condition qu’ils aient une bonne oreille, le sens du rythme et un joli petit brin de voix.

Dans ma manière de travailler avec les enfants, j’essaie avant tout d’être ludique, joyeux et de transmettre des émotions positives. C’est à travers les émotions positives que l’on peut atteindre des sommets avec les enfants. Ce cadre favorise l’expression, la confiance en soi, l’écoute, la dynamique de groupe. J’ai également une grosse formation de chanteur qui m’aide à leur inculquer les bases techniques les plus saines possibles. Il est important dès le plus jeune âge d’avoir un geste vocal sain, il ne faut absolument pas contraindre la voix. Je n’hésite pas à être joueur lors des répétitions tout en ayant une grande exigence artistique et musicale pour préparer les enfants à travailler avec de grands metteurs en scène et artistes internationaux. À l’approche des productions, je travaille aussi sur leur expression théâtrale, je les incite à se dérider, à s’exprimer, à s’épanouir. En résumé, c’est un projet passionnant que je suis très heureux de défendre.
 

Pourriez-vous nous raconter une anecdote de concert ou de répétition où tout ne s’est pas passé comme vous l’imaginiez ?

C’est la base du métier que de devoir être souple et adaptable, une répétition où tout se passe comme on l’imaginait est très rare. Il me vient un exemple avec un chœur lyonnais, nous avions préparé La Chauve-Souris de Strauss pour des concerts de Noël et du Nouvel An. Nous avions travaillé sur le phrasé, l’articulation et avions amené une très belle proposition musicale. Lorsque le chef d’orchestre a pris le chœur en main, les choses se sont petit à petit déconstruites. Les voix étaient de moins en moins belles, de moins en moins musicales. Cette situation correspond à l’une des plus grandes peurs du chef de chœur : passer des mois à préparer un ouvrage, à chercher des couleurs pour que tout ce travail se délite quand le chef d’orchestre arrive. Heureusement, cela n’arrive que très rarement. La plupart du temps, le chef apporte sa patte personnelle voire parachève l’intention musicale puisque le chef de chœur laisse toujours de la marge pour permettre au chef d’orchestre de s’exprimer.


Enfin, auriez-vous un conseil à donner à tous ceux qui aiment chanter ?

Chantez, encore, encore et encore ! Si possible chantez en groupe, en chœur, pour trouver des harmonies, ressentir l’énergie de groupe. C’est bon pour la santé et cela a été prouvé par de nombreuses études. Un autre conseil pour se sentir le mieux possible avec sa voix, pour se sentir libre : ne pas hésiter à se tourner vers un professionnel et prendre quelques cours de chant. Une fois par mois éventuellement, pour que le chant reste un plaisir et pour éviter d’avoir un geste vocal maladroit qui pourrait faire que l’on se fasse mal. Il faut y aller, il faut chanter, il faut s’exprimer, c’est que du bonheur !

 

Opéra
06
décembre
2023