Interview - Sol Gabetta

Avec le soutien de l'Association Aïda, les musiciens de l'Orchestre national du Capitole se produisent dans les plus grandes salles d'Allemagne du 4 au 13 mars, sous la direction de leur nouveau Directeur musical désigné, Tarmo Peltokoski. Nous avons eu le plaisir de rencontrer Sol Gabetta, violoncelliste suisse d'origine argentine qui se produit en soliste aux côtés de l'orchestre durant cette tournée. 

Sol Gabetta, vous êtes violoncelliste concertise et lauréate des Victoires de la musique classique (2022) dans la catégorie « soliste instrumentale », pourriez-vous nous présenter votre parcours ? 

Mon parcours musical commence il y a longtemps en Argentine où j’ai grandi. Ma mère est née en France, à Cannes, et mon père est argentin. À l'âge de 10 ans, nous avons déménagé en Europe pour ma scolarité et nous y sommes restés. Mes différentes récompenses m'ont aidée à acquérir une certaine confiance et à me battre pour poursuivre mes rêves.
 

Aux côtés de l’Orchestre national du Capitole et de son Directeur musical Tarmo Peltokoski, vous interprétez dans le cadre de la tournée la magnifique Rhapsodie hébraïque pour violoncelle d’Ernest Bloch, pourquoi avoir choisi cette œuvre ?

Je suis attirée par des concertos où mon rôle en tant qu’interprète ne consiste pas seulement à jouer avec un beau son et à faire une belle prestation musicale. Je cherche à comprendre le pourquoi d'un concert, le pourquoi d'une interprétation. Après quelques années d’expérience sur scène, je souhaite que le moment du concert marque l'esprit du public en raison de mes choix d'interprétation. 

Les pièces majeures du répertoire pour violoncelle sont des œuvres puissantes et souvent très émouvantes. Mais il n'existe pas de concertos qui allient la force spirituelle et l'imaginaire comme peut le faire Schelomo d'Ernest Bloch. 

J'ai joué cette œuvre pour la première fois quand j'avais 22 ans et je me la suis appropriée depuis pour donner vie à Salomon et à une certaine mélancolie. Ce concerto représente l’humanité et son Roi qui tente de partager ses idées face à un peuple qui se révolte. La force de conviction de Schelomo est magistrale, chaque note compte, chaque respiration a une signification et chaque intention à une réaction. C‘est merveilleux de pouvoir porter cette œuvre en tournée en Europe avec l’Orchestre national du Capitole et Tarmo !
 

Avant de débuter la tournée en Allemagne, vous avez joué avec l’Orchestre national du Capitole à la Halle aux Grains, pourriez-vous nous faire part de vos sentiments après cette première représentation ? 

Tarmo était malade lors de ce premier concert donc je suis extrêmement admirative de sa performance à Toulouse. La Halle aux Grains a une acoustique un peu sèche mais le fait de pouvoir jouer en étant aussi proche du public est fascinant. J'avais l'impression de parler au public, comme une narratrice.. J‘aime beaucoup venir jouer à Toulouse, l’écoute est attentive et l'ambiance est chaleureuse, c‘est formidable !
 

Quels sont les projets que vous attendez avec impatience à la suite de la tournée ?

J‘ai plusieurs projets en cours dont le travail de recherche que j'effectue depuis près de 5 ans autour de Lise Cristiani, virtuose française qui fut au XIXe siècle l’une des premières femmes à s’emparer du violoncelle en tant que professionnelle. Je vous invite à regarder le film documentaire diffusé sur Arte à ce sujet. Ce travail fera également l'objet d'une tournée en décembre 2025 et d'un disque qui paraîtra chez Sony. 

Le 28 mai prochain, j'aurai par ailleurs le plaisir d'interpréter le Premier concerto de Chostakovitch à Toulouse, aux côtés de Tugan Sokhiev et de la Staatskapelle de Dresde.
 

En tant que concertiste, vous vous produisez dans de nombreuses salles à travers le monde dont les modèles économiques diffèrent. Que pensez-vous du mécénat et de l’engagement des entreprises en faveur de la musique ? 

Je pense que c‘est extrêmement important ! Nous ne pouvons pas compter seulement sur une aide financière publique. Les projets de grande envergure ont toujours besoin d'être soutenus par des passionnés. C'est grâce à ces personnes que l'on réalise des projets majeurs, que l'on joue sur des instruments merveilleux, que les nouvelles compositions existent et que notre secteur peut avancer et maintenir un niveau d'excellence. 
 

Pour finir, pourriez-vous nous raconter une anecdote de concert ou un souvenir musical particulièrement marquant ?

En voyageant beaucoup, notre vie est remplie d'anecdotes et il est difficile de n'en sélectionner qu'une. Mais comme je suis amie avec Bertrand Chamayou qui est originaire de Toulouse, je vais vous raconter notre expérience en Italie. 

Les temps de trajet ne sont pas toujours fidèles à ce que Google Maps annonce et il faut souvent prévoir 2h de plus, notamment pour se garer. D'autant plus quand il y a de la neige dans des villes où les habitants ne sont pas habitués au froid, comme c'est le cas en Italie. Avec Bertrand Chamayou, nous aimons beaucoup la nourriture italienne et définissons toujours un plan de route en fonction des restaurants qui se trouvent à proximité. Nous pensons que bien manger contribue au fait de bien jouer mais cela a parfois des répercussions puisque nous sommes arrivés à deux reprises en retard sur nos lieux de concert... Ce n'est pas exemplaire, je suis d'accord. 

Étrangement, nos meilleurs concerts coïncident souvent avec nos meilleurs repas... Il faut croire que le plaisir de la gastronomie italienne nous inspire !
 

Un grand merci à Sol Gabetta !