Interview - Sophie Dartigalongue
Nous avons eu le plaisir d'échanger avec Sophie Dartigalongue, basson solo de l'Orchestre Philharmonique de Vienne et chef d'orchestre. Elle dirigera l'Orchestre national du Capitole à l'occasion du prochain concert Happy Hour autour du basson qui aura lieu le samedi 25 janvier à la Halle aux Grains. Dans le cadre de notre programme de Mécénat Solidaire, une soixantaine de jeunes assisteront à cet événement et découvriront les multiples facettes de cet instrument !
Sophie Dartigalongue, vous êtes basson solo de l’Orchestre Philharmonique de Vienne, pourriez-vous nous présenter votre parcours et décrire votre quotidien au sein de ce temple de la musique ?
Mon parcours a commencé à Lyon, au CNSM. J'ai ensuite complété ma formation à la Karajan Académie à Berlin, au sein de l'Orchestre Philharmonique de Berlin. J'ai continué mon parcours en étant contrebasson solo à l'Orchestre Philharmonique de Berlin. Je suis rentrée à l'Orchestre Philharmonique de Vienne et l'Opéra de Vienne en septembre 2015. C'est un orchestre hors du commun, d'une qualité musicale extrêmement élevée. J'ai la chance de jouer avec les plus grands chefs et les plus grands solistes mondiaux, dans les plus grandes et belles salles du monde entier. Le quotidien dans cet orchestre est un peu particulier, puisque c'est un orchestre qui, comme l'Orchestre National du Capitole de Toulouse, varie entre l'opéra et l'orchestre symphonique. Les musiciens sont membres des deux orchestres à la fois, de l'Orchestre de l'Opéra de Vienne et de l'Orchestre Philharmonique de Vienne. L'opéra est ce qu’on appelle un opéra de répertoire. On a environ 70 opéras au répertoire et tous les soirs, une représentation différente, avec un opéra qui se répète à peu près quatre fois à chaque fois, très souvent sans répétition, pour pouvoir permettre au public d'avoir une expérience différente tous les soirs. Il faut donc être un musicien très spontané et connaître beaucoup d'opéras. Très souvent on rencontre le chef pour la première fois en fosse lors de la représentation, il faut donc être très flexible. En parallèle, l'Orchestre Philharmonique de Vienne fonctionne comme un orchestre normal, avec des répétitions sur une semaine et des concerts en fin de semaine, souvent suivi de tournées à travers le monde, tous les ans une tournée en Asie, une tournée aux Etats-Unis, et des tournées en Europe, le répertoire extrêmement est extrêmement varié entre l'opéra et le répertoire symphonique, ce qui est pour un musicien très intéressant.
Vous êtes également chef d’orchestre et nous aurons le plaisir de vous retrouver à la tête de l’Orchestre national du Capitole le 25 janvier prochain. En quoi la direction vous permet-elle d’explorer de nouveaux horizons musicaux ?
Je suis également chef d'orchestre en parallèle de mes activités de bassoniste à l'Orchestre Philharmonique de Vienne. C'est un métier extrêmement différent qui me permet d'approfondir ma pratique de la musique d'une autre manière. Être musicien d'orchestre signifie très souvent faire partie d'un groupe, se mélanger et se fondre dans ce groupe. On est un élément parmi beaucoup d'autres. Il s'agit surtout de jouer ensemble, de chercher à trouver un langage commun, de se mettre au service de la musique et des autres instruments, surtout en étant bassoniste. Alors que le rôle de chef d'orchestre est plutôt de guider et de définir le son, le phrasé, les directions musicales à travers une œuvre. C’est donc une approche complètement différente de la partition et du rôle à jouer. Le travail en amont est également très différent, plus intellectuel. La prise de décision est complètement différente puisqu'en étant au sein de l'orchestre, on doit réagir aux idées proposées par le chef d'orchestre tout en étant en connexion avec les autres instrumentistes qui nous entourent. Alors que le chef d'orchestre doit définir cette ligne de conduite, réagir au son créé par les musiciens et doit définir l'interprétation de la partition. Ca nécessite beaucoup de réflexion en amont, beaucoup de connaissance de la pièce et beaucoup de réflexion personnelle sur la manière de comprendre et la manière d'interpréter une pièce pour redonner une version la plus sincère au public.
Récemment, vous avez enregistré l’intégrale des concertos pour basson de Vivaldi (album paru chez Berlin Classics en 2024), pourriez-vous nous dire quelques mots sur cette belle aventure musicale ?
En tant que bassoniste, je cherche à présenter l'instrument et à partager ma passion avec le plus grand nombre de personnes. Je me suis lancée dans un challenge au disque il y a deux ans avec l'idée d'enregistrer l'intégrale des concertos de Vivaldi qui sont au nombre de 39. Aucun compositeur n'a composé autant pour le basson. Ce sont des concertos d'une très grande qualité et d'une grande variété ce qui rend cette démarche d'extrêmement passionnante. On peut chercher énormément de relief dans cette musique. Beaucoup de couleurs et de caractères différents. Vivaldi a une façon de comprendre le basson qui est extrêmement rare. Peu de compositeurs ont compris l'instrument aussi bien.
Ma démarche au disque est d'essayer de présenter l'instrument sous plusieurs facettes différentes. J'avais commencé avec un enregistrement du répertoire français avec piano, puis les grands classiques avec Mozart et orchestre. Avec cette intégrale de Vivaldi, j'aimerais approfondir un peu plus l'expérience baroque. Mon but est d'essayer de montrer le basson dans sa globalité, de montrer toutes les possibilités de cet instrument qui est extrêmement flexible et extrêmement varié, chose que peu de gens connaissent. Je suis ravie d'avoir l'opportunité de pouvoir enregistrer ces concertos magnifiques avec un ensemble baroque d'une extrême qualité
Il y a quelques années, vous aviez eu la gentillesse de présenter votre instrument à des enfants dans le cadre de notre programme de Mécénat Solidaire. Quels souvenirs gardez-vous de cette rencontre et pourquoi est-il important pour vous de sensibiliser le jeune public à la musique classique ?
Le contact avec le public est quelque chose d'extrêmement important pour moi. La musique est faite pour être partagée. C'est toujours un échange entre l'interprète et le public. De pouvoir échanger quelques mots avec des jeunes à propos d'un concert autour du basson est quelque chose d'extrêmement enrichissant. De pouvoir expliquer les particularités de cet instrument, de chercher à partager ma vision d'un programme, est quelque chose qui rend l'expérience et la connexion avec l'auditeur encore plus intéressante.
Pour le public, ça permet peut-être de mieux comprendre l'instrument et le programme, d'avoir une ligne conductrice. Je pense qu'il est très important de chercher le contact avec le public. C'est très enrichissant d'avoir ce genre d'expérience autant pour l’interprète que pour l’auditeur.
Aujourd’hui, quels sont les projets que vous attendez avec impatience ?
Je me réjouis énormément de ce concert autour du basson avec l'Orchestre National du Capital de Toulouse, d'avoir la chance de pouvoir partager un moment musical avec un orchestre d'une si grande qualité est une énorme chance. Je me réjouis particulièrement de pouvoir travailler avec des bassonistes français. Le basson français est un instrument particulier. Je joue moi-même un basson d'un système allemand, mais le basson français est un instrument que j’apprécie beaucoup et qui rend cette expérience encore plus intéressante d'un point de vue personnel. J'ai très hâte de partager ce moment avec le public toulousain. Le programme est extrêmement varié. Je pense qu'il est très intéressant de pouvoir découvrir l'instrument pour le public qui ne le connaît pas ou d'approfondir sa connaissance de l'instrument à travers ce programme qui nous emmène du baroque au XXe siècle en nous montrant beaucoup de facettes différentes du basson.
Un mot pour terminer ?
Une grande particularité de ce concert est que vous aurez la chance d'entendre du contrebasson. Le contrebasson est un basson une octave plus grave que le basson. C'est un instrument qui est extrêmement rarement joué en soliste, et il est très rare de l'entendre devant l'orchestre.
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